Au fil de l'eau 1

Publié le par Florence Trocmé

Bonjour Alain,

quelle belle balade, quel beau moment ce matin. Une heure de solitude, en attendant des amis avec qui j'avais rendez vous, j'étais moi une demi-heure en avance, ils étaient eux une demi-heure en retard, j'étais près de la Seine, j'ai un immense tropisme pour l'eau, fleuves, puissant effet des fleuves sur moi, le Neckar à Tübingen entraperçu et que je vais peut-être revoir à Pâques, j'ai demandé à ce que le voyage nous porte à Tübingen, le Rhin près de Strasbourg, la Seine, la Loire, la Garonne, toutes ces rivières, ces fleuves et les lacs et les mers, et les étangs et les simples flaques et les caniveaux... je veux écrire quelque chose sur l'eau... sur le ciel aussi. Je pensais ce matin me promenant que finalement la Seine et le ciel étaient les seuls vrais éléments naturels, indomptés malgré tout (surtout le ciel) à Paris. Que c'est peut-être pour cela qu'ils m'attiraient tant. J'ai la chance de vivre en hauteur, 11e étage, "dans le ciel" ai-je coutume de dire, et j'observe sans fin le ciel, j'ai même commencé un cycle assez important sur cette observation, assortie de gloses et citations et commentaires en tous genres....

 

Oui, publier ! Question lancinante, dont on sent bien qu'elle revient nous tarauder régulièrement, qu'elle est totalement légitime et qu'elle est en même temps presque, je dis bien presque, sans réponses. S'auto-publier n'a jamais été une solution, je le sais comme vous, nous n'avons pas d'illusions là-dessus. Alors est-ce que le web change quelque chose en profondeur ou pas, je suis incapable de vous le dire, je sens que c'est à la fois une possibilité, une illusion et une tentation. Je dis bien à la fois et que chaque aspect contient un peu de vérité. Je sais/sens que les choses parfois adviennent d'une façon que nous n'avions pas imaginée, par exemple un contact va naître d'une lecture par quelqu'un d'un texte publié sur le web et ce sera le fil que l'on va dérouler jusqu'à..... ; la rencontre, je crois que la rencontre est quelque chose de très aléatoire, mais de très important, peut-être que la rencontre est le seul espoir que nous avons aujourd'hui, la rencontre qui nous fait changer, qui nous fait avancer, qui nous porte et nous pousse. Sans doute notre rencontre, Alain, fait partie de LA rencontre, que j'entends de façon très large. Peut-être que quand je dis très large je veux dire les différents visages, formes que prend la rencontre, qui serait la rencontre avec quelque chose de vivant, tout simplement. Par opposition aux furieuses, oui elles sont furieuses, déchaînées, en crue, forces d'entropie et de mort qui parcourent notre monde et auxquelles il est si difficile d'échapper. Sauf à ne pas se plier à, sauf à ne pas accepter de, sauf à refuser de, sauf à se fermer à, sauf à renoncer à. Et toujours, toujours défaire ce qui a commencé à se figer, à se gauchir, à se borner, à nous étouffer. La consommation en particulier (et parfois je me demande si l'information ne fait pas partie de la consommation) nous étouffe, les sirènes de la consommation, la nouveauté, etc. Mais je ne développe pas, vous savez mieux que moi encore, vous qui avez choisi de vivre SANS.

Michaux je crois dit quelque part, "malheureux cesse d'accumuler (et il était question pourtant de lectures et pas de biens matériels), tu ne sauras comment te défaire".

Claude Vigée lui dit "Trop de tout et de tous qui est le rien".

Et en même temps, Alain, comment ne pas aimer la richesse inouïe du monde. Il y a celle qui excite, qui rend fou, qui tord l'être dans la concupiscence, mais il y a aussi celle de la beauté, celle des livres, de la musique, de l'art, des paysages. On ne peut pas se fermer....et pourtant il faut aussi savoir choisir.

Cela me porte vers une question importante : comment avez-vous lu toutes ces années en poésie, puisque je me suis encore mieux rendue compte, lisant votre réponse à l'enquête, quelles immenses lectures vous aviez faites, et à quelle profondeur dans le paysage poétique. Dites-moi comment vous avez lu, choisi, trouvé les textes, qu'elle a été votre boussole, comment vous vous y êtes pris. Cette expérience là m'intéresse comme une expérience d'être, une expérience essentielle. Je voudrais la confronter avec la mienne.

 

je suis HEUREUSE car je sais vous avoir soudain écrit là, et je ne m'y attendais pas, ne l'ai pas préparé ni voulu, une lettre de la même eau que nos premiers échanges dont je garde la nostalgie. Eau oui, car je crois que quand j'écris ainsi, c'est parce que je suis partie comme à la dérive, à partir d'une sensation d'une idée dont je ne me suis même pas posé la question de savoir si elle vous intéressait, car après tout, cette promenade matinale, j'aurais pu me dire qu'elle n'avait rien à voir dans notre échange et je me suis laissé "FLOTER" avec un seul T bien sûr, à partir de ces images. J'ai exploré mes sensations et par ce biais, mais quelle étrangeté et quelle révélation aussi, je suis, je le sais/sens entrée en contact profond avec vous.

 

florence

Publié dans correspondanSes

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